Voici un petit morceau d’une histoire que j’avais dans la tête.
Je manque cruellement de temps pour écrire un nouveau livre.
J’ai rédigé ce chapitre il y a deux mois sans savoir ce que j’allais en faire par la suite.
Et puis je me suis dit que, même s’il était fort probable qu’il n’y ait pas de suite, il serait peut-être intéressant de vous le faire découvrir.
Merci à Lasyce pour ses corrections.
***
La rencontre
01h30. Il était temps de rentrer. J’avais passé une bonne soirée avec quelques amis. Mes 30 ans avaient été dignement fêtés.
Je dois dire que l’homme célibataire que j’étais devenu était serein et épanoui. Mon métier de comptable ne faisait certes pas rêver les foules, mais il m’apportait des certitudes : 1 + 1 feraient toujours 2 ! Et des certitudes j’allais en avoir besoin…
Je roulais tranquillement en direction de mon petit nid douillet, un splendide appartement de 100 m2 près de la plage, j’avais hâte d’arriver. Oui, la fatigue commençait à se faire sentir, et pour tout dire j’espérais ne pas être contrôlé par la maréchaussée, car si je n’étais pas saoul, j’étais loin d’être sobre.
J’aperçus au détour d’un virage une demoiselle qui faisait du stop. Et si je pouvais dire qu’elle était brune et ravissante c’est parce que cette dernière s’était positionnée au-dessous d’un lampadaire – sage décision sécurisante. Mais ce qui me frappa ce fut surtout son attitude calme et posée. Elle ne gesticulait pas à la vue du moindre véhicule, elle n’essayait pas forcément – et c’était d’autant plus inefficace – d’attirer l’attention, comme si elle n’était pas pressée de partir de cet endroit isolé.
Je ne m’étais pas arrêté pour secourir cette jeune femme qui ne semblait pas avoir besoin d’aide. Et je dois dire que si son pouce n’avait pas été ostensiblement levé, je n’aurais jamais pensé qu’elle pratiquait l’auto-stop mais qu’elle attendait plutôt quelqu’un. J’entrai dans mon habitation tout en pensant à la charmante sirène, et même si elle ne semblait pas en danger au bord de cette nationale peu fréquentée, je ne pouvais m’empêcher de ressentir de la culpabilité. Et surtout je ne m’expliquai pas pourquoi j’avais réagi de la sorte, ce n’était ni dans mes habitudes, ni dans mon éducation.
Je me couchai, pensif, l’inconnue ne voulait pas quitter mes pensées. J’étais fatigué, une grosse journée m’attendait dans quelques heures, je m’endormis très vite.
Le réveil fut très dur, ma tête me faisait très mal — je ne savais pas si cela venait du manque de sommeil – il était six heures – ou de ce champagne fort délicieux dont j’avais trop abusé. Je restai longtemps sous la douche en pensant à cette brunette qui était au bord de cette route déserte. Mon petit déjeuner s’éternisa, plongé que j’étais dans mes pensées, toujours habité par cette apparition.
Je pris le volant en direction du cabinet de comptabilité. Mais, allez savoir pourquoi, je ne pus résister à l’envie de faire un (gros) détour, histoire de repasser devant l’endroit où j’avais vu l’inconnue. Je ne m’expliquais pas mon attitude – signe de honte peut-être – qui allait me mettre en retard. J’approchai du fameux virage, quand, contre toute attente, j’aperçus la charmante inconnue, toujours là, le pouce ostensiblement levé !
J’avais envie de faire demi-tour, mais je n’en fis rien. Elle allait manifestement bien et j’avais accessoirement un métier et un patron qui allait me pourrir, cela ne faisait aucun doute.
J’arrivai devant ce magnifique et moderne bâtiment blanc dans lequel je travaillais depuis bientôt cinq ans. On ne peut pas dire que c’était un cabinet très connu, mais les affaires tournaient bien, nous avions assez de clients pour pérenniser l’entreprise. Je n’eus pas le temps de poser mon postérieur sur la chaise de mon bureau, que Rémi mon patron surgit – le terme n’est pas trop fort – énervé :
– Dis-moi Robert — tout le monde se tutoie ici) — t’as vu l’heure ? Fêter ton anniversaire ne te dispense pas d’être ponctuel ! On doit boucler un gros dossier avant midi !
Sa colère était prévisible ! Je n’essayai même pas de trouver une excuse bidon. J’avais trois quarts d’heure de retard, et ce n’était pas dans mes habitudes qui plus est. Mais contre toute attente les réprimandes de mon supérieur ne m’inquiétèrent nullement. Non, je pensais – encore – à l’auto-stoppeuse.
Je devais répondre – ne serait-ce que par politesse — à cet énergumène au visage rouge de colère. Je m’entendis alors prononcer ces mots qui ne pouvaient pourtant pas venir de moi :
– Eh bien justement, tu me fais perdre du temps à râler comme ça ! Occupe-toi de tes dossiers, toi aussi tu ne dois pas être en avance, et laisse-moi bosser en paix !
Mon patron restait sans voix, surpris par une attitude et un langage qui n’étaient vraiment pas les miens.
Je venais sûrement de faire l’erreur de ma vie, j’allais bientôt pointer au chômage. Mais peu importe, si j’adorais mon métier et les relations humaines qui en résultaient, si je n’avais rien eu à reprocher à mon boss jusqu’à aujourd’hui, j’estimais qu’au regard de mes cinq années d’activité sans anicroches, je ne méritais pas un tel savon.
Il était reparti en silence – une fois n’est pas coutume – il devait déjà sûrement s’atteler à la tâche administrative consécutive à mon attitude déplacée.
Mais peu importe, je ne pouvais m’empêcher de penser à Elle !
Elle m’accompagna durant cette matinée qui me parut paradoxalement courte. Midi approchait et je savais que je ne pourrais pas clôturer le bilan comptable, pourtant urgent et prioritaire, du Garage Massi. Je ne savais pas comment réagir pour la bonne et simple raison que je n’étais jamais en retard dans le traitement de mes tâches.
Je décidai d’appeler le patron du garage pour le prévenir ; c’était la moindre des choses.
– Allo M. Henri ? C’est Robert du cabinet comptable. Je suis sincèrement désolé, mais je ne pourrai pas livrer votre comptabilité avant demain.
Comme l’on pouvait s’y attendre, j’eus droit à de copieux reproches de la part du client frustré. Et même si je n’avais pas l’image, je l’imaginais tout aussi rouge de colère que mon patron précédemment. Et pour ce qui de sa voix, un tantinet efféminée, elle m’avait, jusqu’ici en tous les cas, toujours fait rire. Je devais répondre à ce client exigeant, mais injuste ; il n’avait jamais eu à me reprocher quoi que ce soit depuis trois ans que je m’occupais de sa compta. Je prononçai alors ces mots qui ne pouvaient pas, comme tout à l’heure, provenir de ma personne :
– Écoutez, ce que je vous propose, c’est de commencer par payer le cabinet, car je ne suis pas le seul à être en retard dans mes devoirs. Et après, si vous me rappelez avec un ton plus aimable, je pourrai peut-être envisager de vous livrer votre comptabilité.
Je venais pour la deuxième fois de ma matinée de me comporter comme jamais je n’aurais osé. J’étais dans la peau d’un homme qui aurait tué quelqu’un, qui risquait la perpétuité, et qui se disait qu’après tout, il n’était plus à un crime près. Je décidai de partir en cavale, non… partir déjeuner. Je n’étais jamais productif le ventre vide. Je m’arrangeai pour partir discrètement et évitai de croiser le regard de la personne qui me permettait d’honorer mes crédits.
J’avalai vite fait deux hamburgers, mes pensées étaient toujours assiégées par la jolie brunette. Non, je n’étais pas tombé amoureux, on ne peut d’ailleurs pas tomber amoureux d’un visage que l’on a croisé furtivement et je ne croyais pas au coup de foudre, mais la curiosité était trop forte : il fallait que j’aille vérifier si elle était toujours en train de faire du stop !
Ce serait d’autant plus absurde d’agir de la sorte qu’il était évident qu’elle avait dû mettre les voiles depuis longtemps, que j’allais pour le coup être à nouveau en retard à mon travail, et ce n’était vraiment pas le jour pour se faire à nouveau remarquer. Mais qu’importe, il fallait que je sache ! Je pris le volant, tout excité à l’idée de savoir le fin mot de cette histoire.
J’arrivais sur le fameux virage et… elle n’était plus là ! Mais était-ce vraiment si étonnant ? Je me garai tout de même un peu plus loin sur le bord du talus : il me fallait quelques secondes pour reprendre mes esprits. J’étais en train de m’accrocher à une illusion. Le cartésien en moi n’aurait pas dû être perturbé de la sorte. Mais que m’était-il arrivé ? Je devais maintenant revenir au plus vite chez mon patron et lui présenter mes excuses, sans oublier de rappeler le patron du Garage.
J’amorçai mon demi-tour quand quelqu’un frappa à la vitre passager de ma voiture. C’était Elle, oui, l’auto-stoppeuse inconnue. Je lui ouvris la portière sans réfléchir. Elle s’assit et me dit avec un grand sourire :
– Bonjour Robert, tu en as mis du temps. J’ai besoin de te parler, c’est important.
Bon, licencié pour licencié, autant finir la journée en charmante compagnie, non ?
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J’espère que vous avez apprécié ce chapitre, n’hésitez pas à laisser un commentaire, toutes les remarques bonnes ou moins bonnes sont toujours enrichissantes pour moi.
Christophe
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